Commissionnement indirect de l’agent commercial et vente par Internet - Actualité Distribution / Concurrence / Contrats – mai 2021
Publié le :
03/06/2021
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Le droit français, comme le droit communautaire, reconnaît à l’agent commercial (pour l’ensemble de son statut, voir article sur Legalmondo) un droit à commissionnement direct et également un droit à commissionnement indirect.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 31 mars 2021 (n°19-16.207) opposant un mandant à son un agent commercial qui s’était vu confier l’exclusivité de la promotion des articles de prêt-à-porter de marque Catimini en Suisse, permet de faire un point sur les cas dans lesquels l’agent commercial peut effectivement revendiquer un droit à commissionnement indirect.
En l’occurrence Catimini avait confié à son agent la promotion de ses articles, à titre exclusif, auprès des revendeurs installés en Suisse (à l’exception de ses franchisés et succursales). Des articles avaient été vendus par Catimini à un client établi en Allemagne, la société Zalando qui exploite entre autres un site marchand Zalando.ch. L’agent revendiquait des commissions au titre de ventes conclues par le site Internet Zalando.ch avec une clientèle établie en Suisse, et invoquait spécialement une clause de son contrat qui stipulait qu’en raison de l’exclusivité accordée, la commission était due sur toutes les ventes dans son secteur, que les commandes aient été transmises par l’agent ou soient parvenues autrement au mandant.
Quels sont les cas dans lesquels l’agent commercial a droit à une commission ?
Un commissionnement direct
L’agent commercial a un droit à commission dès lors qu’il a transmis une commande d’un client qu’il a trouvé (cas visé à l’art. L.134–6 §1 Code de commerce / art. 7.1 (a) et (b) Directive 86/653/CEE du 18 décembre 1986). Donc, par principe, l’agent doit rapporter la preuve de son intermédiation active entre le client et le mandant.
Un commissionnement indirect possible mais pas absolu
Le commissionnement indirect vise l’hypothèse dans laquelle l’agent commercial a droit à une commission, même s’il ne s’est pas entremis ou s’il n’a pas trouvé ce client.
La directive européenne (art. 7.2) pose deux options de commissionnement indirect :
la première, plutôt favorable à l’agent commercial, n’implique pas d’exclusivité territoriale mais juste de confier une zone ou un groupe de clients à l’agent ;
la seconde option implique de reconnaître à l’agent commercial une exclusivité sur un territoire ou sur un groupe de personnes.
Chaque Etat membre a la liberté de choisir l’une ou l’autre des options. La France a choisi d’intégrer dans son droit national le cas le plus favorable à l’agent. En effet, le droit français reconnaît un droit à commissionnement indirect dès lors qu’un secteur géographique ou un groupe de personnes est confié à l’agent, même s’il ne s’est pas entremis ou s’il n’a pas trouvé ce client (art. L.134–6 §2 Code de commerce). Mais il n’est pas nécessaire que ce territoire ou ce groupe de personnes lui soit confié à titre exclusif. C’est la particularité mais également le piège – classique – pour les mandants qui ne savent pas nécessairement qu’un droit à commissionnement indirect peut être dû systématiquement à l’agent, même sans exclusivité territoriale, dès lors qu’une zone ou une catégorie de personnes lui a été confiée.
Cette règle n’est cependant pas d’ordre public. : Le mandant a donc tout intérêt à encadrer les conditions d’attribution d’un commissionnement indirect, voir à le supprimer ou à tout le moins à le coordonner avec les contrats des autres agents commerciaux.
En outre, la jurisprudence est venue limiter le droit à commissionnement indirect de l’agent commercial aux seuls cas où le mandant est intervenu dans la transaction, de façon directe ou indirecte, par exemple lorsque le tiers revendeur était un commissionnaire à la vente ou encore s’il n’avait avait pas d’autonomie décisionnelle à l’égard du mandant. En revanche, si le mandant n’est pas intervenu directement ou indirectement dans la vente faite sur le territoire de l’agent, celui-ci ne peut revendiquer une commission sur ces transactions. Ce principe a été dégagé par la Cour de justice de l’union européenne puis par la Cour de cassation dans l’affaire Chevassus-Marche / Danone dans laquelle l’agent commercial sollicitait de Danone des commissions sur les ventes réalisées sur son territoire par un revendeur établi dans un pays tiers qui avait acheté ces produits auprès de Danone (Chevassus-Marche contre Groupe Danone ; CJCE, 17 janvier 2008, aff. C-19/07 ; Cass. com., 1er juill. 2008, n° 03-12.724).
La portée pratique de la jurisprudence Catimini
D’abord, le principe du non commissionnement indirect de l’agent commercial est confirmé quand son mandant n’est pas intervenu dans la transaction. En l’occurrence, la vente sur le territoire suisse a été réalisée par une société allemande établie hors de la zone confiée à l’agent.
Ensuite, cette jurisprudence apporte des précisions sur l’appréciation de l’intervention indirecte du mandant car les juges ont considéré que :
- il ne pouvait être reproché au mandant de ne pas s’être abstenu de vendre ses articles à un revendeur établi en Allemagne même s’il savait que ce revendeur agissait directement en Suisse ; et
- un site Web (Zalando.ch) exploité par un tiers (Zalando) depuis un territoire autre que celui confié à l’agent commercial mais assurant la promotion et la vente d’articles dans ce territoire n’est pas pour autant analysé comme un établissement situé dans ce territoire (en Suisse), qui matérialiserait alors une violation de la clause d’exclusivité ou une intervention indirecte du mandant dans des ventes sur le territoire suisse. L’agent soutenait en effet que ce site devait être assimilé à une boutique (en ligne) multimarques destinée aux particuliers de cette zone, peu important l’implantation effective de l’opérateur de ce site. La Cour d’appel a retenu le lieu d’établissement (en Allemagne) de la société ayant acheté les articles et non le lieu effectif de commercialisation (les consommateurs suisses). La société Zalando ne pouvait donc être considérée comme un client de Catimini établi en Suisse.
Points clefs à retenir :
• Les parties doivent bien définir le triptyque territoire / produits / clientèle.
• L’agent a droit à des commissions indirectes sur le fondement de l’article L 134–6 § 2, même si aucune exclusivité territoriale ne lui est reconnue.
• Le contrat d’agent commercial peut écarter ce commissionnement indirect, l’aménager ou le soumettre à des conditions d’attribution.
• Le contrat d’agent doit clairement traiter le sort des ventes conclues par le mandant via son site Web ainsi que par des tiers via leur propre site Web, avec des clients établis dans le territoire confié à l’agent.
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Par Christophe Héry et Claire Burlin
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