Prix de revente imposés sur internet et interdiction de revente sur plateformes tierces (Actualité Distribution / Concurrence, Dec. 2020)
Publié le :
30/12/2020
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décembre
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12
2020
Précision sur le contrôle par les fournisseurs des ventes en ligne faites par leurs distributeurs
La décision rendue le 3 décembre 2020 par l’Autorité de la concurrence condamnant Dammann Frères, fabricant de thés premium, à hauteur de 226 000 € pour avoir imposé à ses distributeurs des prix de revente minima en ligne, est remarquable à double titre car :
- d’une part, elle rappelle de façon pédagogique l’illégalité des comportements visant à imposer des prix de revente, spécialement en matière de e-commerce et
- d’autre part, elle étend la jurisprudence Coty, limitée initialement à la distribution sélective de produits de luxe, à des relations commerciales courantes pour rejeter le grief d’illicéité de l’interdiction de revente sur des plateformes tierces.
• Entre prix de revente « conseillés » et « imposés » : un exercice dangereux
L’article L 442-6 du Code de commerce prohibe « le fait par toute personne d'imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d'un produit ou d'un bien, au prix d'une prestation de service ou à une marge commerciale ». L’Autorité a jugé que, sous couvert de communiquer à ses distributeurs des prix conseillés, Dammann Frères leur a en réalité imposé des prix de revente, le non-respect de ces prix étant parfois sanctionné par des représailles (suppression ou réduction du montant des remises qui leur étaient accordées, retard dans les livraisons, suppression de leurs coordonnées de la liste de distributeurs présentée sur son site Internet, rupture d’approvisionnement, voire rupture des relations commerciales).
Le fournisseur justifiait – en vain- cette pratique par sa volonté de préserver l’image et le positionnement de ses produits mais surtout d’éviter des écarts de prix trop grands entre les reventes sur internet et celles réalisées par les magasins du réseau (où les revendeurs avaient d’ailleurs une plus grande latitude dans la fixation des prix).
La restriction de concurrence résultant des prix de revente minimum imposés peut être flagrante lorsque des stipulations contractuelles fixent directement le prix ; mais elle peut se déduire d’un faisceau d’indices qui est caractérisé selon une méthode strictement appliquée par l’Autorité:
• le fournisseur diffuse ses prix de revente (conseillés) à ses distributeurs,
• ces derniers les appliquent significativement et,
• un système de « police des prix » est instauré afin d'empêcher que l'entente sur les prix ne soit remise en cause par les distributeurs déviants. Ce mécanisme se traduit par la surveillance des prix par le fournisseur (voire par les autres distributeurs…),
• cela aboutit à des pressions, voire des représailles, pour obliger les distributeurs à aligner leurs prix à la hausse, telles que des retards de livraison, des ruptures d’approvisionnements, des suppressions des remises, etc.
Toutefois, la frontière est ténue entre un mécanisme de surveillance des prix et un mécanisme de contrainte sur les prix. Cette insécurité juridique a été critiquée et la Commission européenne pourrait apporter, à l’occasion de la réforme en préparation du règlement européen sur les restrictions verticales, des conseils supplémentaires quant aux circonstances dans lesquelles les prix de revente recommandés doivent être qualifiés de prix de revente imposés. La réforme attendue en 2022 pourrait même aller plus loin en mettant en avant les effets pro-concurrentiels des prix de revente imposés.
• Interdiction de revente sur les plateformes tierces : une option sérieuse
S’agissant de l’interdiction de revente de ses produits sur des plateformes tierces, imposée ouvertement par Dammann Frères, l’Autorité a eu une approche plutôt libérale et novatrice en appliquant les règles de la Jurisprudence Coty (arrêt du 6 12 17, Coty Germany GmbH, C 230/16) pour décider in fine qu’il n’y a pas lieu de poursuivre et donc de sanctionner. Si cette approche était confirmée par les Juridictions judiciaires, cela aurait un impact considérable sur les fournisseurs qui cherchent à contrôler et restreindre les modalités de revente de leurs produits sur des plateformes tierces de type Amazon ou e-Bay.
L’Autorité a relevé que la part de marché du fabricant de thé était inférieure à 30 % et que cette restriction ne constituait pas une restriction caractérisée. En effet, l’Autorité a constaté que cette pratique :
(i) n’interdisait pas aux distributeurs de vendre les produits en ligne ni de se faire connaître par le biais de sites internet tiers (publicité et utilisation des moteurs de recherche) et
(ii) ne constituait pas une restriction de clientèle des distributeurs, car les éléments du dossier n’ont pas permis de dénombrer les clients de ces plateformes au sein du groupe des acheteurs en ligne.
La décision de l’Autorité s’inscrit donc dans la lignée de la jurisprudence Coty selon laquelle le fournisseur d’un réseau de distribution sélective de produits de luxe peut interdire la revente de ses produits sur des plateformes tierces afin de préserver l’image de ses produits (voir nos commentaires ICI).
L’Autorité avait déjà étendu la jurisprudence Coty aux produits techniques dans une décision du 24 octobre 2018 (n°18-D-23), concernant les pratiques de la société Stihl, leader des produits de motoculture (confirmé pour l’essentiel en appel, C. appel Paris 17 10 19), où l’Autorité, de façon prémonitoire, indiquait : « il importe de préciser que l’analyse opérée par la cour de justice dans l’arrêt Coty pour la commercialisation en ligne de produits de luxe paraît susceptible d’être étendue à d’autres types de produits » (voir nos commentaires ICI).
L’Autorité va maintenant encore plus loin car, même si les thés Dammann Frères font l’objet d’un positionnement « haut de gamme », ils ne sont ni des produits de luxe (mais de « première nécessité » ? …) ni même distribués dans le cadre d’un réseau de distribution sélective.
Eléments clés à retenir
Dans le cadre de ses relations avec ses distributeurs, le fournisseur doit veiller à :
- ne pas stipuler de clause expresse de prix minima de revente imposés ;
- ne pas mettre en œuvre de système, ni tolérer des pratiques, de représailles commerciales à l’égard des distributeurs s’écartant des prix minima « conseillés » (ni même les menacer de le faire) ;
- ne pas leur interdire de vendre les produits en ligne ni de faire de la publicité en ligne ;
- examiner avec beaucoup de précaution la possibilité de leur interdire de revendre ses produits sur des plateformes tierces.
En outre, il est même préférable que le fournisseur :
- ne leur diffuse pas des prix conseillé de revente fixes ou minima ;
- ne mette pas en place de mécanisme de surveillance des prix.
L’assistance d’Altaïr Avocats
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Par Christophe Héry et Claire Burlin
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