Déséquilibres contractuels : Nouvelles précisions sur l’étendue du contrôle et des sanctions

Déséquilibres contractuels : Nouvelles précisions sur l’étendue du contrôle et des sanctions

Publié le : 27/04/2023 27 avril avr. 04 2023

La Cour de cassation et la cour d’appel de Paris ont récemment apporté des précisions importantes concernant la mise en œuvre de pratiques restrictives de concurrence, d’une part, sur le champ d’application de l’avantage sans contrepartie, et d’autre part, sur la sanction du déséquilibre significatif.

Selon l’article L.442-1 I 1° du code de commerce, l’avantage sans contrepartie est défini comme le fait « d'obtenir ou de tenter d'obtenir de l'autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie », tandis que le déséquilibre significatif suppose « De soumettre ou de tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » (article L. 442-1 I 2° du code de commerce). 

Le contrôle judiciaire du prix contractuel : entre avantage sans contrepartie et déséquilibre significatif 

Dans un arrêt du 11 janvier 2023 (n°21-11.163, publié au Bulletin), la chambre commerciale de la Cour de cassation censure une décision de cour d’appel qui avait refusé de contrôler sur le fondement l’avantage sans contrepartie une remise du prix systématique fondée sur le crédit d’impôt accordé au cocontractant ainsi qu’un escompte appliqué automatiquement sur des factures pourtant réglées avec retard, au motif que seule l’existence d’un déséquilibre significatif permettrait le contrôle judiciaire du prix. Selon la cour d’appel, le déséquilibre significatif impliquant d’apporter la preuve d’une « soumission ou d’une tentative de soumission » d'une partie, le prix obtenu sous une telle contrainte n’aurait alors « pas fait l’objet d’une libre négociation ».

La Haute juridiction prend le contrepied de cette décision et constate que « l'application de l'article L. 442-6, I, 1° (désormais 442-1, I, 1e), du code de commerce exige seulement que soit constatée l'obtention d'un avantage quelconque ou la tentative d'obtention d'un tel avantage ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu, quelle que soit la nature de cet avantage ». En conséquence, l’avantage qui est contrôlé judiciairement sur le fondement de l’avantage sans contrepartie peut être le prix contractuel d’une vente ou d’une prestation (sans contrepartie ou disproportionné), et ce, y compris s’il a été librement négocié par les parties.

La charge probatoire nécessaire pour engager avec succès une action fondée sur l’avantage sans contrepartie est donc réduite par rapport à une action fondée sur le déséquilibre significatif car dans la première il n’est pas obligatoire de prouver que le contrat n’a pas fait l’objet d’une libre négociation. 
Les sanctions du déséquilibre significatif et de l’avantage sans contrepartie
Traditionnellement, la victime d’une pratique restrictive de concurrence peut solliciter du juge :
 
  • la réparation de son préjudice, en engageant la responsabilité délictuelle de l’auteur de la pratique créant un déséquilibre significatif (article L.442-1, I, 2° du Code de commerce) ;
  • la cessation des pratiques, sous astreinte, 
  • la nullité des clauses ou du contrat illicite(s) et 
  • la restitution des avantages indument perçus par son cocontractant (article L.442-4 du Code de commerce).

Dans une série de 7 arrêts rendus le 8 février 2023 (n° 20/01748, 20/01712, 20/04558, 20/04557, 20/04561, 20/04545, 20/01706), la cour d’appel de Paris s’est prononcée sur l’application effective de ces sanctions en cas de « déséquilibre significatif ».  Ces sanctions pourraient aussi être applicables aux cas de contrôle du prix contractuel sous l’angle de l’avantage sans contrepartie.

Ces procédures faisaient suite au prononcé de la nullité de clauses de résiliation et d’intuitu personae du contrat de franchise (type) du réseau « Pizza Sprint » et de la cessation de la pratique résultant de l’application de la clause d’approvisionnement minimum ordonnée sur le fondement du déséquilibre significatif par la cour d’appel de Paris, préalablement saisie par le Ministre de l’économie (CA. Paris., 5 février 2022, n°20/00737, voir actualité Altair Avocats, mars 2022). Les franchisés, tirant les conséquences de la nullité de ces clauses, ont sollicité l’annulation du contrat de franchise (cette nullité présentant l’intérêt d’obtenir la restitution des redevances versées au franchiseur), et à titre subsidiaire, la résiliation du contrat aux torts du franchiseur.

Dans ces différents arrêts, la cour d’appel :
 
  • refuse de prononcer l’annulation du contrat de franchise (certaines actions étant en outre prescrites), considérant que les franchisés n’ont « pas démontré en quoi ces clauses [qui avaient été annulées pour déséquilibre significatif] étaient essentielles au contrat de franchise ou que leur suppression était de nature à bouleverser l’économie du contrat » ;
  • considère que la clause d’approvisionnement et de stock minimum, dont l’exécution combinée les assimilait à une clause d’approvisionnement exclusif (annulée par la cour le 5 février 2022), s’analyse comme constituant une « exécution déloyale du contrat » de nature à engager la responsabilité contractuelle (et non délictuelle) du franchiseur sur le fondement du déséquilibre significatif. Partant, elle prononce la résiliation du contrat de franchise, aux torts exclusifs du franchiseur ;
  • indemnise les franchisés, s’agissant du déséquilibre significatif, notamment au titre du surcoût lié à la mise en œuvre fautive de la clause d’approvisionnement, évalué à 15% des achats effectués auprès du fournisseur du réseau.
Les sanctions prononcées par la cour d’appel pourraient probablement, dans certains cas, s’appliquer aussi aux sanctions attachées au contrôle judiciaire du prix sur le fondement de l’avantage sans contrepartie.

Points clés à retenir 

  1. Le contrôle judiciaire du prix convenu dans un contrat commercial est possible sur le fondement du déséquilibre significatif mais également sur celui de l’avantage sans contrepartie, dont la charge probatoire est moindre. 
  2. Une clause créant un déséquilibre significatif peut avoir pour conséquence l’annulation du contrat uniquement si cette clause est essentielle au contrat ou si sa suppression bouleverse l’économie du contrat.
  3. Une clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties peut aussi être analysée, dans certains cas, comme une exécution déloyale du contrat, de nature à engager la responsabilité contractuelle de son auteur et non sa responsabilité délictuelle.
  4. Le contrôle judiciaire du prix sur le fondement de l’avantage sans contrepartie pourrait, selon le même raisonnement, donner lieu à l’annulation du contrat ou à l’engagement de la responsabilité contractuelle des cocontractants ayant bénéficié de cet avantage.

L’assistance d’Altaïr Avocats

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  • Assistance et conseil dans le cadre de procédures contentieuses devant les autorités judiciaires et administratives au regard des pratiques restrictives de concurrence.

 

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