Comment établir la réticence dolosive du vendeur ?
Publié le :
03/09/2019
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Une vente a été annulée pour réticence dolosive du vendeur qui a caché à l’acheteur un projet d’infrastructure routière, tout en mettant en avant la vue et la tranquillité de ce bien.
Tout contrat peut être annulé par un juge si celui-ci constate que le consentement d’une partie a été vicié notamment en raison d’un dol, c’est-à-dire d’un mensonge de l’autre partie qui se matérialise par une affirmation ou par une omission.
La Cour de cassation a récemment rappelé les conditions dans lesquelles une vente immobilière pouvait être annulée pour réticence dolosive du vendeur. (Cass. 3°civile, 11 juillet 2019, n° 18–18. 299 F-D). En l’occurrence le propriétaire d’un mas avait vendu son bien, au prix de 485 000 €, par l’intermédiaire d’une agence immobilière qui l’avait présenté comme «offrant une vue imprenable et une tranquillité assurée». L’acquéreur a découvert ultérieurement qu’un projet de route départementale devait être réalisé à quelques centaines de mètres du bien acquis.
La Cour de cassation a approuvé la Cour d’appel de Montpellier d’avoir prononcé la nullité de la vente et condamné le vendeur à rembourser le prix d’achat et à payer des dommages et intérêts réparant le préjudice financier (97 000 €).
Les juges devaient tout d’abord déterminer si le vendeur avait bien eu connaissance de cette information.
Il est ici intéressant de relever que la Cour d’appel s’est attachée à déterminer si et comment le vendeur avait eu connaissance de ce projet autoroutier. Outre des attestations de voisins, la chronologie pouvait en elle-même être suspecte. En effet, alors qu’une importante manifestation, relayée par les médias, avait été organisée localement en septembre 2007, le vendeur a mis en vente son bien le 29 octobre 2007 et a signé une promesse de vente le 2 novembre 2007. Ces faits constituent un faisceau d’indices prouvant la connaissance de cette information par le vendeur.
Les juges devaient également déterminer que la non-communication de cette information avait effectivement vicié le consentement de l’acquéreur. Pour ce faire, il fallait que les juges relève que la connaissance d’un projet d’une déviation routière l’aurait incité à ne pas acheter le bien ou à l’acheter à des conditions différentes.
Pour caractériser cet élément le plus objectivement possible, les juges ont relevé que le bien immobilier avait été présenté comme « offrant une vue imprenable et une tranquillité assurée ». Les caractéristiques essentielles mises en avant lors de la promotion de ce bien ont donc été considérées par les juges comme étant, du point de vue de l’acheteur, des éléments essentiels de son propre choix.
Depuis le 1er octobre 2016, le droit des contrats a été refondu. La réticence dolosive (art. 1137, ali. 2) est définie maintenant comme la dissimulation intentionnelle par un contractant d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie (Il n’est plus demandé de prouver que l’erreur a été déterminante du consentement de cette autre partie). Il est probable qu’en l’occurrence la solution aurait été la même sous l’empire du nouveau droit des contrats. En l’espèce le vendeur ne pouvait pas tout à la fois connaître le projet de déviation routière et laisser son agent immobilier (ou lui donner instruction) présenter le bien en insistant sur son isolement et sa tranquillité.
Les vendeurs, mais également les agents immobiliers qu’ils mandatent, doivent donc faire très attention aux caractéristiques du bien qu’ils mettent en avant, surtout lorsqu’elles impliquent une subjectivité (vue, tranquillité…)
Par Christophe Héry, avocat associé
Article complet sur le site de l'Expression.
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